À Bourg-en-Bresse, l’alimentation solidaire, une aventure humaine et collective
23 septembre 2025
Un contexte local marqué par la précarité alimentaire… et l’engagement
Bourg-en-Bresse, chef-lieu rural et dynamique du département de l’Ain, n’échappe pas au phénomène national de précarisation alimentaire. Selon l’Insee, en 2021, environ 11,5 % des habitants de l’Ain vivent sous le seuil de pauvreté (Insee, chiffres 2023), un chiffre qui grimpe dans certains quartiers de la ville. Cette donnée s’incarne localement dans les files d’attente devant la Banque Alimentaire ou les Restos du Cœur : en 2022 encore, ces associations ont indiqué une hausse de 20 % du nombre de bénéficiaires dans l’agglomération.
Face à ces réalités, la société civile ne reste pas immobile. Bourg-en-Bresse concentre de nombreuses associations qui agissent de la distribution d’aide d’urgence à l’accompagnement vers l’autonomie alimentaire. Leur force : miser sur les talents, l’entraide locale et l’apport de nouvelles pratiques sociales.
Des épiceries sociales à l’écoute des habitants
Le Panier Bressan, épicerie sociale installée rue du Peloux, est l’un des points névralgiques de l’entraide alimentaire bressane. Ouverte aux personnes en situation de précarité, sur orientation de partenaires sociaux, elle propose des produits à prix réduits (entre 10 et 30 % de leur valeur marchande). Mais plus qu’un simple lieu de ravitaillement, Le Panier Bressan veut être un espace d’écoute et d’accompagnement : autour d’un café, on y parle recettes, astuces d’achat, mais aussi accès aux droits.
En 2023, l’épicerie sociale a accompagné plus de 650 foyers de Bourg-en-Bresse et alentours (Rapport d’activité Panier Bressan, 2023). La structure anime également des ateliers cuisine participatifs, où chacun vient mettre la main à la pâte : transformer des invendus en plats gourmands, apprendre à cuisiner équilibré à moindre coût, expérimenter les saveurs d’ici et d’ailleurs.
Lutter contre le gaspillage pour mieux redistribuer : des collectifs engagés
À Bourg-en-Bresse, le mot d’ordre de nombreux collectifs tient en trois « R » : récupérer, redistribuer, relier.
- La Banque Alimentaire de l’Ain collecte, chaque année, près de 850 tonnes de denrées (Banque Alimentaire Ain, bilan 2022) auprès de grandes surfaces, grossistes, producteurs locaux et particuliers. Elle les trie, prépare les paniers solidaires et les confie à près de 30 partenaires associatifs du territoire.
- Les Restos du Cœur, présents à Bourg depuis 1985, innovent depuis 2021 avec une «disco-soupe» mensuelle : des ateliers où bénévoles et bénéficiaires transforment ensemble les surplus alimentaires en soupes collectives, à déguster en musique. Une façon joyeuse de casser la routine de l’aide alimentaire et de favoriser la rencontre.
- Le collectif "Zéro Gaspilleton" anime des opérations de glanage dans les champs autour de Bourg-en-Bresse. Après récolte, fruits et légumes sont redistribués via les associations locales et des marchés solidaires ponctuels.
Ces actions agissent en synergie : lutter contre le gaspillage, mobiliser les bénévoles, sensibiliser le public et développer des solutions concrètes d’accès à une alimentation saine.
Des jardins solidaires, poumons verts et lieux de partage
Près de 1200 m² de potagers collectifs émaillent la ville, cultivés grâce à des associations comme Les Jardins de l’Espoir ou Bourg-en-Bresse Environnement. L’intérêt de ces jardins va bien au-delà de la production de légumes : ce sont de véritables foyers de socialisation et d’éducation à l’écologie.
- Aux Jardins de l’Espoir, plus de 45 familles cultivent collectivement des variétés locales : ils apprennent à planter, à pailler, récoltent les tomates et les courgettes, et partagent la récolte… mais aussi les histoires, les savoir-faire, et souvent les repas.
- Le Jardin partagé du quartier des Dîmes a été créé en 2018. Il offre un double objectif : encourager l'agriculture urbaine et servir d’outil d’inclusion pour les habitants récemment arrivés dans le quartier — en particulier via des chantiers d’insertion et des ateliers linguistiques centrés sur le vocabulaire du jardinage et de l’alimentation.
Ces initiatives s’appuient souvent sur des financements croisés : commune, bailleurs sociaux, associations, mais aussi soutien du Programme National pour l’Alimentation (PNA) ou de la Fondation de France, qui promeuvent une alimentation locale, saine et accessible.
Vers l’autonomie alimentaire : l’exemple du marché solidaire et du maraîchage bio
Depuis 2020, la coopérative Échos Paysans a durci son engagement auprès des plus fragiles en proposant chaque vendredi un marché solidaire sur le parking des Vennes. Producteurs, bénévoles et habitants s’y retrouvent autour de paniers à prix libre : chacun paie selon ses moyens et repart avec les fruits de la région, du pain bio ou des œufs frais.
- En 2023, Échos Paysans annonce plus de 500 paniers distribués sur 8 mois et une relance notable de la demande en produits locaux auprès des familles modestes.
- Le projet est soutenu par la Communauté d’Agglomération du Bassin de Bourg-en-Bresse et met en réseau producteurs, éducateurs et acteurs du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS).
Un chantier maraîcher solidaire a également vu le jour aux portes de Bourg, sur un terrain communal prêté à une association d’insertion. Mission : réapprendre à cultiver, récolter, cuisiner, mais aussi se former à des métiers autour de l’alimentation durable.
Renforcer l’autonomie : formation, cuisine partagée, entraide et convivialité
Beaucoup d’associations bressanes estiment que la lutte contre la précarité alimentaire doit s’accompagner d’un accompagnement : accès à la santé, à la connaissance nutritionnelle, à l'autonomie culinaire. Les projets fleurissent :
- L'Accueil Léo Lagrange anime des cuisines collectives intergénérationnelles, avec des seniors, jeunes réfugiés, familles monoparentales. Des participants apprennent à réaliser un menu complet avec moins de six euros, découvrent la conservation des aliments, partagent des plats du monde.
- Les ateliers nutrition organisés par le Pôle Santé Prévention du CCAS combinent conseils santé, parcours d’achat intelligent et cuisine pratique ; ils touchent chaque année plus de 300 personnes, souvent orientées par les assistantes sociales ou les référents santé.
- Le Repair Café Gourmand, projet pilote depuis 2022 : réparer ses petits appareils électroménagers tout en partageant un goûter anti-gaspi. On apprend ensemble à réparer, trier, réserver, cuisiner… et surtout à ne pas gaspiller.
Les enjeux ne se limitent pas à l’assiette : il s’agit bien de solidarités croisées, où chacun trouve sa place. Certains viennent pour l’aspect gustatif, d’autres pour rompre l’isolement, d’autres encore pour redécouvrir la fierté de partager.
Créer des ponts entre producteurs et citadins : la dynamique des circuits courts
Bourg-en-Bresse est un carrefour agricole et sa tradition maraîchère irrigue les solidarités. Plusieurs associations, dont La Ruche qui dit Oui! ou Saveurs et Partages, servent d’intermédiaires astucieux pour connecter producteurs locaux et citadins.
- Commandes groupées sur internet pour acheter en direct à 50 producteurs locaux (fruits, légumes, fromages AOP, viande de Bresse).
- Points de dépôts associatifs, parfois installés dans des maisons de quartier, pour limiter les coûts logistiques et favoriser l’accès pour tous, mêmes sans véhicule.
- Distribution d’invendus à prix coûtant à des associations partenaires.
Cette organisation contribue à dynamiser l’économie locale tout en apportant une alimentation de qualité à des foyers modestes. D’après le réseau AMAP Bresse, près de 220 familles bénéficient chaque année d’une aide pour l’accès à des paniers bio à tarif préférentiel (AMAP Bresse, données 2023).
Portraits et témoignages : des habitants engagés, des histoires à partager
- Fatima, 43 ans, mère de trois enfants : « Ici, on est venus pour l’épicerie solidaire, mais le plus important, c’est qu’on sort de la solitude. Les ateliers cuisine m’ont redonné confiance. Maintenant, je transmets ces recettes à mes enfants. »
- Bertrand, maraîcher solidaire : « Quand on récolte tous ensemble et qu’on partage, il n’y a plus de différence de statut. La terre, ça réunit. »
- Lucie, bénévole au Panier Bressan : « On crée du lien, c’est ça la plus grande richesse. L’alimentation, c’est bien plus qu’un besoin, c’est ce qui unit les gens. »
Un enjeu d’avenir : relier écologie, solidarité et territoire
Les initiatives alimentaires solidaires de Bourg-en-Bresse sont aussi porteuses d’une transition plus large : celle qui vise à relier la santé, l’écologie et l’inclusion sociale. Partenariats avec les écoles pour sensibiliser dès le plus jeune âge, développement de compostage collectif, soutien aux producteurs locaux en conversion bio… Tous ces projets dessinent une ville plus résiliente face aux crises alimentaires et climatiques à venir.
L’exemple bressan montre que la solidarité autour de l’alimentation peut dépasser la seule logique de distribution : elle devient un levier d’éducation citoyenne, un trait d’union entre les générations, et un ferment puissant pour une société plus juste et durable.
À Bourg-en-Bresse, ces gestes solidaires sont autant de graines pour le futur, laborieusement semées et patiemment cultivées par ces citoyennes et citoyens qui, chaque jour, recréent le plaisir de « faire ensemble » autour de l’essentiel : bien-manger, bien-vivre, bien-partager.
