Lyon et sa Métropole, laboratoires vivants des solidarités régionales

Géographie de la solidarité : Lyon et ses satellites en action

Au centre, la Métropole de Lyon – 59 communes, 1,4 million d’habitants – fait figure de pionnière en France. Unique collectivité à la fois urbaine et départementale, elle s’est dotée de prérogatives spécifiques en matière de politiques sociales et de coopération intercommunale (grandlyon.com). Autour, une mosaïque d’intercommunalités – communautés de communes, communautés d’agglo, syndicats mixtes – tisse la toile des solidarités : Communauté de Communes de l’Est Lyonnais, Vallée du Garon, Pays de l’Ozon, ou encore Porte des Pierres Dorées.

• Un chiffre-clé : plus de 400 structures (associations, collectifs, coopératives…) agissent dans le champ social et solidaire sur le territoire grand lyonnais (source : Annuaire CRESS Auvergne-Rhône-Alpes, 2023).
• Un marqueur : le taux de bénévolat dans le Rhône est supérieur de 12 % à la moyenne nationale (INSEE 2022).

Ce n’est donc pas une, mais des solidarités qui coexistent, se croisent, se frottent aux réalités multiples du territoire, et s’inventent souvent avec des moyens mutualisés… orchestrés discrètement par les intercommunalités.

Pourquoi des projets coordonnés ? Des réponses collectives à des défis communs

Lyon, comme d’autres métropoles, affronte des défis sociaux et territoriaux intenses : fracture numérique, précarité alimentaire, accès au logement, mobilité inclusive, isolement social, mutations économiques… Mais ce sont les effets d’échelle, et la porosité des frontières entre communes, qui rendent la coordination indispensable.

• Exemple : En 2022, la Métropole a recensé plus de 65 000 foyers sous le seuil de pauvreté – un chiffre qui ne connaît pas les limites communales (métropolegrandlyon.fr).
• Une anecdote : Selon le Réseau National des Ressourceries, 32% des dons collectés à Lyon-ville sont redistribués via des associations du reste de la Métropole, révélant la fluidité — et la nécessité — d’un maillage solidaire interdépendant.

La force de frappe des dispositifs intercommunaux tient alors à leur capacité à mutualiser des ressources (matérielles, humaines, financières), à harmoniser des politiques parfois disparates, et à créer des synergies entre acteurs de terrain qui souvent, sans cela, se connaîtraient à peine.

Les outils-concrets de la coordination régionale

1. Conseils et fonds intercommunaux : la plateforme Lyon Métropole Solidarité

En 2018, la Métropole de Lyon a lancé la Plateforme Lyon Métropole Solidarité : un “guichet unique” digital destiné à croiser besoins et initiatives (solidarite.grandlyon.com). Concrètement ? Les associations peuvent y publier leurs projets, demander des financements, ou solliciter des partenariats, tandis que les collectivités locales et la Métropole examinent, sélectionnent et flèchent les financements.

• En 2023, 420 projets nouveaux financés pour un montant total de 11 millions d’euros (source : Grand Lyon, Bilan 2023).
• Chaque dossier est examiné par un jury intercommunal intégrant élus, associations, citoyens tirés au sort.

Cette mécanique de guichet unique, saluée par la Chambre régionale des comptes en 2022, fluidifie la coordination et encourage les initiatives pluridisciplinaires.

2. Les maisons de la métropole : Terrains de coopération concrète

Tous les habitants de la métropole ont croisé un jour les “Maisons de la Métropole pour les solidarités”, héritières des anciennes Maisons du Rhône. Au nombre de 21 sur le territoire, ces lieux de proximité accueillent familles, jeunes, personnes âgées, allocataires du RSA… et font le trait d’union entre les politiques décidées au sommet et la réalité vécue au quotidien — information, accompagnement social, orientation, aides d’urgence.

• Près de 120 000 personnes accompagnées chaque année dans ces maisons (source : Métropole de Lyon, rapport d'activité 2023).

Elles travaillent en réseau avec les CCAS des communes périphériques, les structures d’insertion, et proposent des actions mutualisées de formation, d’accès aux droits ou d’aides alimentaires.

3. Dispositifs transversaux : la Maison Métropolitaine d'Insertion pour l'Emploi (MMIE)

Née d'une volonté politique forte après la crise COVID, la MMIE fédère aujourd’hui 238 structures d’insertion et d’accompagnement sur les 59 communes de la Métropole. L'idée : sortir du “millefeuille” institutionnel et permettre à chaque habitant en difficulté d’accéder, via un interlocuteur unique, à tous les dispositifs disponibles (emploi, formation, aide à la mobilité, micro-crédit…).

• Près de 9 600 personnes ont retrouvé un emploi ou une formation via la MMIE entre 2021 et 2023 (source : Grand Lyon).
• Un comité de pilotage intègre élus, acteurs économiques, associations et usagers eux-mêmes, pour une gouvernance horizontale et inclusive.

Face aux urgences : Solidarités publiques et citoyennes, main dans la main

La singularité lyonnaise, c’est aussi sa capacité à mobiliser la société civile lors des crises. Face à l’afflux de réfugiés en 2022 puis à la crise inflationniste de 2023, la Métropole et ses intercos ont su embarquer les associations citoyennes dans des plans de soutien d’ampleur (rhone.fr).

• Exemple emblématique : En mars 2022, la Plateforme d’Accueil des Ukrainiens, initiée conjointement par la Métropole, plusieurs intercommunalités, et le Collectif Agir Migrants, a permis d’aider plus de 7 100 personnes, en mobilisant 186 associations et 700 citoyens bénévoles.
• Pour faire face à la précarité alimentaire, “La grande collecte solidaire de la Métropole”, lancée au printemps 2023, a réuni 480 tonnes de dons redistribués, dont 40 % par des circuits inter-associations de la couronne périurbaine.

La coordination prend alors la forme de cellules de crise, de plateformes fluidifiant les échanges entre territoires, et de fonds d’urgence intercommunaux activés en 48 heures.

Portraits de solidarités coordonnées

La ronde de l'Epicerie Solidaire Mobile

Initiative née à Bron, portée initialement par l’association Her-Bron, l’Epicerie Solidaire Mobile sillonne aujourd’hui la métropole grâce à une convention intercommunale entre six communes de l’Est lyonnais (Meyzieu, Décines, Chassieu, Bron, Vaulx-en-Velin et Villeurbanne). Le principe : un camion épicerie, des courses à petits prix, mais surtout un accompagnement social nomade. La mutualisation des moyens — locaux, personnel, achats groupés — fait effet levier.

• Près de 1 000 familles touchées en 2023.
• Une mutualisation qui a permis de diviser par deux le coût logistique.

“Faire Ensemble Rhône” : l’alliance des incubateurs à impact

Depuis 2021, la Métropole, MakeSense, Ronalpia et 5 intercommunalités animent ensemble le dispositif “Faire Ensemble Rhône” : accompagnement de porteurs de projet, ateliers citoyens, résidences de co-création… Le but : encourager les initiatives solidaires transcommunes. En 3 ans, plus de 240 projets accompagnés, allant de la petite recyclerie de quartier au réseau d’accueillants familiaux pour jeunes majeurs.

• Taux de pérennisation des initiatives à 12 mois : 73%, un record français pour un programme de ce type (source : Ronalpia, Bilan 2023).

Quand les élus s’ouvrent à l’expérimentation citoyenne

La coordination n’est pas qu’affaire de technocrates. À Sathonay-Camp, le Conseil Intercommunal de la Jeunesse réunit chaque trimestre élus, jeunes, associations de Montanay à Fontaines-sur-Saône, pour imaginer des actions anti-solitude ou faciliter l’accès au logement étudiant. Ce principe anime aussi la “Fabrique des Transitions”, pilotée par Grand Lyon et la Communauté de Communes de l’Ozon, ouvrant les chantiers aux citoyens volontaires (formation au numérique, lutte contre la fracture énergétique…).

• Ce sont plus de 3 000 Lyonnais âgés de 15 à 25 ans qui ont pris part à ces ateliers en 2022-2023.

Un territoire laboratoire, à la croisée des enjeux et des envies

Mieux coordonner les élans solidaires, c’est donc faire en sorte que les projets transpercent les frontières administratives, que les réponses soient ajustées à la diversité des situations, et que la solidarité devienne, de fait, un patrimoine collectif partagé – de Lyon-centre à la plus petite commune de la métropole. À l’heure où le modèle lyonnais suscite l’intérêt d’autres grandes villes françaises (Toulouse, Nantes) et européennes (Métropole Européenne de Lille), la clé du succès semble tenir dans cette alliance subtile entre institutionnel et citoyen, transversalité et solidarité de proximité.

Les défis ne manquent pas : inégalités persistantes, urgence écologique, nouvelles formes de précarité… Mais à chaque coin de l’agglomération, des collectivités et des habitants relèvent le gant, réinventant les chemins du “faire ensemble”. Lyon et ses intercommunalités offrent en ce sens un terrain fertile, voire inspirant, aux utopies concrètes de la solidarité partagée.