Rhône-Alpes : Les coopérations intercommunales qui font école, d’un territoire à l’autre
27 octobre 2025
Un peu de contexte : L’essor de la coopération intercommunale en Rhône-Alpes
Avant d’explorer les modèles remarqués, il est utile de rappeler que la région Rhône-Alpes (devenue Auvergne-Rhône-Alpes en 2016) compte parmi les territoires les plus dynamiques de France en matière intercommunale. Selon l’INSEE, elle rassemble plus de 380 intercommunalités : communautés de communes, agglomérations, métropoles et syndicats mixtes. Leur mission : gérer ensemble des enjeux majeurs comme l’eau, les mobilités, la gestion des déchets ou encore le développement économique.
Avec 8,1 millions d’habitants et une grande diversité de territoires, la réussite (ou l’échec) de la coopération intercommunale est ici scrutée de près. De nombreuses régions françaises effectuent des « voyages d’étude » sur le terrain rhônalpin pour en tirer des idées. Mais sur quoi portent ces coopérations et surtout, quels modèles rayonnent vraiment ?
Modèle n°1 : Les régies intercommunales solidaires de l’eau – L’exemple de la Régie Publique de l’Eau du Grand Lyon
Depuis janvier 2023, la Métropole de Lyon est pilote en France de la reprise en main publique de la gestion de l’eau potable via la Régie Publique de l’Eau. Après des décennies de délégation à de grands groupes privés, ce retour à une régie intègre non seulement la production et la distribution, mais aussi des ambitions sociales et environnementales affirmées.
- Tarification sociale : La métropole a intégré un dispositif innovant d’aide directe aux foyers modestes, inspirant d’autres agglomérations françaises (voir dossier Le Monde 9 février 2023).
- Gouvernance participative : Un conseil citoyen consultatif de l’eau lie usagers, associations et élus dans la définition des priorités.
- Gestion écologique : La régie poursuit un objectif de protection durable de la ressource, notamment grâce à une meilleure traçabilité des finances et des projets.
Ce modèle, qui rompt avec la délégation privée et promeut solidarité et transparence, a déjà suscité des visites d’élus venus de Lille, de Bordeaux ou même d’Île-de-France (Association France Eau Publique, 2023).
Modèle n°2 : Les “Relais d’Entreprises” & filières économiques partagées dans les vallées alpines
Dans les vallées de la Drôme, de la Savoie ou de l’Isère, l’isolement des petites communes constituait il y a vingt ans un frein réel à l’emploi local. Plusieurs communautés ont alors uni leurs moyens pour créer des dispositifs innovants :
- Espaces de coworking ruraux intercommunaux : Initiés par la Communauté de Communes du Pays de Gex (Ain) dès 2017, puis démultipliés en Maurienne et Trièves. Ces lieux partagés, gérés collectivement, facilitent l’installation de travailleurs indépendants, porteurs de projet… et même de télétravailleurs périurbains !
- Réseaux de transport commun aux entreprises : En Savoie, le GIE Mobilité 73 réunit plusieurs intercommunalités pour offrir des navettes mutualisées aux salariés des zones d’activités éloignées (Source : Le Dauphiné Libéré, février 2022).
- Plateformes de formation et mutualisation d’équipements high-tech : Notamment dans la Bièvre (Isère), où l’intercommunalité a investi dans des plates-formes de formation industrielles accessibles à toutes les PME locales.
Ces initiatives, souvent nées “par nécessité”, servent d’expérimentation puis inspirent des collectivités de Bretagne, du Sud-Ouest ou du Massif central pour relancer l’activité dans des zones rurales.
Modèle n°3 : Coopérations pour l’inclusion sociale et l’accueil de publics fragiles
La solidarité s’invente collectivement en Rhône-Alpes, à travers de nombreux dispositifs intercommunaux. Certains modèles ont essaimé :
- La plateforme intercommunale “Point Passerelle” : Créée dans la Métropole de Grenoble, elle permet un accompagnement coordonné des personnes en difficulté (emploi, logement, santé) entre communes, associations et institutions sociales. L’intérêt de la mutualisation : éviter les ruptures de parcours et partager la connaissance du terrain.
- Pôles famille intercommunaux : Dans l’agglomération Valence Romans Agglo, des pôles solidaires proposent des solutions mêlant parentalité, accès aux droits et soutien aux aidants. Le modèle attire aujourd’hui des visiteurs de la région Centre-Val de Loire et d’Occitanie (source : Revue Maires de France, mars 2024).
- Accueil intercommunal de migrants ou de réfugiés : En Haute-Savoie, des groupements de communes ont inventé avec les associations des modalités innovantes d’hébergement “partagé et tournant” pour accueillir des familles réfugiées, en mobilisant de petits lots de logements sur plusieurs territoires.
Dans ces projets, la coopération locale s’avère clé pour innover… et renforcer la résilience collective.
Modèle n°4 : L’innovation écologique au service du territoire – exemples rhônalpins qui voyagent
Rhône-Alpes est pionnière sur plusieurs projets de transition écologique à gouvernance partagée. En voici quelques traits remarqués :
| Projet | Territoire | Caractéristiques |
|---|---|---|
| Plan Climat Air-Énergie Territorial (PCAET) | Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais (Isère) | Réel pilotage intercommunal avec co-construction citoyenne (plus de 300 habitants impliqués dans les décisions) ; modèle intégré d’aide à la rénovation énergétique |
| Programme “Zéro Phyto en ville” | Grand Annecy (Haute-Savoie) | Premier plan intercommunal zéro pesticide sur zones publiques, inspirant plusieurs agglomérations françaises |
| “Écoterritoires partagés” | Bugey Sud (Ain) | Coopération pour la préservation d’espaces naturels ; gouvernance multi-acteurs mêlant élus, riverains, agriculteurs |
Tous ces exemples mettent l’accent sur la capacité d’entraînement d’un territoire quand la gouvernance dépasse le simple partage budgétaire et fédère institutions, associations et habitants.
Portraits et témoignages : Quelques visages derrière ces coopérations
Les modèles structurants tiennent avant tout à des femmes et des hommes engagés. Quelques portraits rapides :
- Sandrine Potier, directrice d’une maison de santé intercommunale en Ardèche, saluée pour sa capacité à réunir médecins, élus et patients autour de projets de prévention “sur mesure”.
- Mohamad Akli, coordinateur associatif à Chambéry, architecte du partenariat “un toit/un logement/un job” mené de concert avec 7 communes alentour pour les jeunes sans solution.
- L’équipe de bénévoles d’Eau Publique Lyon, qui ont impulsé le débat citoyen sur la gouvernance de la régie de l’eau, obtenant la constitution d’un comité consultatif reconnu.
Ce sont eux – élus, techniciens, habitants ou associations – qui donnent à la coopération son âme autant que son efficacité.
Chiffres-clés : Impact concret de la coopération intercommunale en Rhône-Alpes
- Sur les 74 communautés de communes de la région, plus de 60% ont mis en œuvre au moins une mutualisation de service social (source : Observatoire régional des politiques publiques, 2023).
- 400 km de pistes cyclables intercommunales créées sur la période 2018-2023 (source : Région Auvergne-Rhône-Alpes, chiffres 2023).
- Plus de 900 agents intercommunaux dédiés à l’ingénierie environnementale et la gestion des espaces naturels collaborent sur tout le territoire rhônalpin (source : Agence d’urbanisme Rhône-Alpes, rapport 2023).
- 1 habitant sur 4 bénéficie d’un service social (accueil, offre de soins ou accompagnement famille) géré à l’échelle intercommunale.
Freins, défis… et facteurs clés de réussite
Même si certains modèles rhônalpins font référence, la coopération intercommunale a ses défis :
- Des disparités fortes entre métropoles (où coopération et ingénierie sont facilitées) et zones rurales (où moyens et compétences manquent parfois).
- La difficulté à concerter tous les acteurs : élus de petites communes, associations, citoyens, et services techniques n’ont pas toujours la même vision.
- Le souci de “faire ensemble, durablement” : Les projets qui tiennent dans le temps sont ceux qui intègrent une gouvernance adaptable, des financements pérennes et un vrai portage politique local.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Banque des Territoires (groupe Caisse des Dépôts) soutiennent désormais financièrement les expérimentations de gouvernance partagée, dans le but d’en analyser l’impact et de favoriser le transfert des meilleures pratiques.
Perspectives : Faire école autrement, coopérer de territoire en territoire
Les modèles rhônalpins de coopération intercommunale illustrent combien la capacité à agir ensemble — et à inventer des réponses adaptées au terrain — peut « voyager » d’une région à l’autre. Plusieurs départements français, mais aussi des petites collectivités de Suisse et de Belgique, observent et reprennent certains dispositifs développés dans nos vallées et nos villes.
L’enjeu majeur ? Passer d’une coopération subie à une alliance choisie. Savoir mutualiser sans diluer les identités locales, inventer des solidarités au-delà des frontières administratives, garder femmes et hommes au cœur du jeu… Autant de défis inspirants pour alimenter les politiques publiques partout où les territoires veulent rester vivants, solidaires et innovants.
Pour aller plus loin :
- France Eau Publique : études et témoignages sur la gestion de l’eau en régie.
- Banque des territoires : cahiers de bonnes pratiques et dispositifs de soutien à la coopération intercommunale.
- INSEE : chiffres détaillés sur les intercommunalités en Auvergne-Rhône-Alpes.
